Pour éviter toute polémique stérile, je tiens à préciser d'emblée que je suis tout à fait convaincu qu'il faut protéger les juvéniles de cette espèce et limiter les prélèvements annuels qui sont effectués dans cette ressource par les pêcheurs professionnels et amateurs. Ceci dit, il ne faut pas raconter n'importe quoi !
Contrairement à ce que certains affirment, la ressource "bar" fait l'objet d'une surveillance attentive et continue de la part des scientifiques des divers pays européens qui l'exploitent. Le CIEM (en anglais : ICES) est un organisme scientifique européen qui rend tous les ans un rapport sur l'état de cette ressource, par l'intermédiaire d'un groupe de travail clairement identifié. Le rapport de 2008 vient d'être élaboré. Je ne l'ai pas encore mais je dispose de tous les précédents. L'une des caractéristiques de la ressource "bar" étant de n'évoluer que lentement, il n'y a donc aucun problème à porter un jugement sur la situation actuelle sans connaître les résultats de l'année 2007.
Globalement, en Atlantique Nord-Est, au cours des 30 ans dernières années, les prélèvements annuels de bar ont augmenté mais les stocks n'ont pas diminué, en raison d'un meilleur renouvellement des générations (en termes scientifiques : la biomasse globale n'a pas diminué, en raison d'une augmentation du recrutement). De plus, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas l'augmentation du nombre des reproducteurs qui est à l'origine de l'augmentation du nombre des juvéniles : c'est une lente évolution des caractéristiques de l'environnement qui améliore l'efficacité des processus reproductifs.
Comment font les scientifiques pour en arriver à de telles conclusions ?
Que les choses soient bien claires ! Les scientifiques sont les premiers à le reconnaître : les méthodes qu'ils utilisent sont approximatives et les résultats obtenus à l'aide de chacune de ces méthodes peuvent être contestés. En revanche, la convergence de résultats obtenus à l'aide de méthodes différentes et indépendantes les unes des autres ne laisse guère planer de doute sur la véracité des tendances générales mises en évidence.
Je cite les principales méthodes.
Evolution de la capture par unité d'effort (CPUE) des pêcheurs professionnels ou amateurs
C'est une méthode qui consiste à rapporter les quantités prélevées à l'effort déployé pour effectuer ces prélèvements (exprimé, par exemple, en heures passées à pêcher). L'expérience montre que c'est une méthode peu fiable car les résultats sont susceptibles d'être fortement biaisés, notamment par les déclarations erronées des intéressés.
Evaluation de la densité des populations
C'est une méthode qui dérive un peu de la précédente mais qui est mise en œuvre par des scientifiques, avec des procédures très rigoureuses. Elle consiste par exemple à traîner un chalut ayant des caractéristiques très précises (ouverture, mailles etc…) à une certaine vitesse, sur une certaine distance et à compter les bars qui sont ainsi prélevés. En répétant cette procédure tous les ans, en différents lieux, on peut ainsi suivre, au fil des ans, l'évolution relative de la densité des bars. Sur une trentaine d'années, les tendances sont à l'augmentation des densités. Des différences régionales ne sont toutefois pas exclues.
Modèles mathématiques
A partir de l'évaluation assez complexe et imprécise d'un certain nombre de paramètres concernant l'espèce (recrutement, vitesse de croissance, mortalité naturelle et mortalité par pêche) les scientifiques évaluent, à l'aide de différents modèles mathématiques également très complexes et plus ou moins pertinents, les principales caractéristiques des stocks et leur évolution passée… Pour l'évolution future, c'est un tout autre problème !
Là encore, les différents modèles indiquent une tendance à l'augmentation des stocks, surtout en Manche et en Mer du Nord.
On peut ainsi dire que le bar est actuellement exploité dans une tranche d'âge qui est à peu près satisfaisante et que les quantités prélevées n'empêchent pas un renouvellement excédentaire des générations. En termes scientifiques, on dit que le rendement par recrue est presque maximal, que la biomasse des reproducteurs est en légère augmentation et que le recrutement augmente très nettement. Là encore des différences régionales ne sont pas exclues.
Je tiens bien sûr à la disposition de ceux que ça intéresse toute la documentation que l'on peut consulter sur le net. Hélas, à part les travaux de l'IFREMER, pratiquement tout est en anglais.
Cordialement