La pêche en eau profonde

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La pêche en eau profonde

Messagede Hippolyte » Jeu Avr 17, 2008 1:25 am

Des pratiques détestables sont encouragées par certains. Il convient de mettre les choses au clair sur ce sujet.

Je vais essayer de faire court et simple.

Ce qu'il faut tout d'abord savoir, si on veut y comprendre quelque chose, c'est que le volume des gaz (par exemple, dans la vessie natatoire des poissons) augmente lorsque la pression diminue (c'est le cas lorsqu'un poisson est remonté vers la surface) tandis que la solubilité des gaz dans les liquides (par exemple, dans le sang des poissons) diminue lorsque la pression diminue, ce qui entraîne la formation de bulles de gaz dans ces liquides (par exemple dans le sang), lorsque la pression diminue rapidement.

Il y a ainsi deux facteurs de disfonctionnement de l'organisme qui combinent leurs effets lorsqu'un poisson à vessie natatoire est remonté rapidement à la surface par un pêcheur : l'augmentation de volume de la vessie comprime et déplace les organes de la cavité générale, ce qui entrave notamment la respiration, tandis que des bulles de gaz apparaissent dans les différents organes, ce qui entrave la circulation du sang et crée des lésions tissulaires qui peuvent être fatales à long terme.

Ces effets peuvent être réversibles et ne pas avoir de *équences physiologiques notables lorsque le poisson est en mesure de retourner rapidement à la profondeur (et donc à la pression) à laquelle il a été capturé. Dans le cas contraire, lorsque le poisson est maintenu près de la surface, il est le plus souvent condamné à mourir dans les heures ou jours qui suivent, même si son état général semble momentanément satisfaisant.

Dans la nature, les poissons à vessie natatoire sont capables de monter et de redescendre rapidement d'une dizaine de mètre dans la colonne d'eau. Il leur suffit pour cela de faire un bref effort pour redescendre après que leur vessie natatoire se soit rapidement dilatée à proximité de la surface, ce qui tend évidemment à les pousser vers la surface par le simple jeu des forces hydrostatiques. En revanche, un poisson épuisé par son combat avec le pêcheur est incapable de lutter contre les forces hydrostatiques engendrées par sa vessie natatoire dilatée : il flotte alors lamentablement à la surface, le ventre en l'air.

Première conclusion partielle : il faut absolument éviter d'épuiser les poissons pêchés en eau profonde. C'est facile à faire avec les petits poissons que l'on peut remonter très rapidement sans risque de casser la ligne. C'est beaucoup plus difficile à faire avec les gros poissons, d'où la recommandation d'utiliser du matériel de pêche résistant qui permet d'écourter les combats avec les gros poissons. Signalons d'ailleurs au passage qu'il serait totalement illusoire de vouloir respecter des paliers de décompression qui permettraient à la vessie natatoire de retrouver son volume d'équilibre. Chez les poissons marins à vessie natatoire, il faut en effet plusieurs heures pour que la vessie natatoire compense une variation de profondeur d'une dizaine de mètre.

Certains pêcheurs préconisent de percer la vessie natatoire des poissons qui ne peuvent pas regagner spontanément les eaux profondes. C'est en effet une méthode qui peut s'avérer bénéfique. C'est cependant une méthode délicate, exigeant beaucoup de savoir-faire. Pour cette raison, elle est maintenant déconseillée ou interdite presque partout aux USA et au Canada alors qu'elle y fut jadis souvent pratiquée. La méthode qui est maintenant universellement conseillée consiste à renvoyer le poisson en eau profonde, à l'aide d'un lest qui permet de le libérer à la profondeur voulue. Et cela, bien sûr, sans perforer sa vessie! De nombreux systèmes sont maintenant au point.

La pratique la plus pernicieuse consiste à percer la vessie des poissons pour les conserver temporairement dans un vivier de surface avant de les relâcher. Pratiquer ainsi revient à condamner à mort la plupart poissons pêchés en eau profonde. Les pêcheurs qui font cela ne tiennent pas compte des effets de la diminution de pression des liquides organiques des poissons (l'apparition des fameuses bulles !). Des bulles de gaz se forment en effet dans tous les vaisseaux sanguins. Ces bulles de gaz arrêtent la circulation du sang et provoquent l'éclatement des vaisseaux les plus fragiles. Il se produit de nombreuses micro-hémorragies internes et externes plus ou moins visibles mais qui font terriblement souffrir les tissus nobles (notamment le cerveau et le cœur). Des bulles de gaz se forment aussi directement à l'extérieur des vaisseaux sanguins : dans le liquide céphalo-rachidien, dans les milieux liquides de l'œil et dans les liquides interstitiels de la plupart des tissus. Le fonctionnement de l'organisme du poisson est ainsi considérablement altéré, même si le perçage de la vessie lui redonne un équilibre et une nage qui peuvent paraître momentanément satisfaisants.

Deuxième conclusion partielle : le perçage de la vessie doit être éventuellement réalisé pour permettre au poisson de regagner au plus vite le fond par ses propres moyens mais pas pour le conserver à la pression de surface. Dans ce dernier cas, l'organisme du poisson subit des lésions qui deviennent vite irréversibles.

De nombreuses études ont montré que plus encore que la profondeur de capture du poisson, c'est le temps passé près de la surface (éventuellement dans un vivier) qui détermine la probabilité de survie de celui-ci, lorsqu'il est renvoyé à sa profondeur d'origine à l'aide d'un dispositif approprié.

Des études ont été faites sur plusieurs espèces de poissons marins du genre sébaste pêchés à plus de 10 mètres de profondeur, pour déterminer le pourcentage d'individus qui survivent au-delà de 48 heures, lorsqu'ils sont renvoyés en eau profonde, après avoir été maintenu un laps de temps variable dans un vivier de surface. Ces études montrent qu'environ 83 % des poissons survivent s'ils sont renvoyés en profondeur au bout de 2 minutes. Le pourcentage passe à 97 % lorsqu'on les renvoie en profondeur au bout de 30 secondes mais tombe à 78 % si on attend 10 minutes. Tous les poissons meurent dans les 48 heures lorsqu'ils sont maintenus plus de 2 heures dans le vivier de surface.

A titre d'exemple, voici une thèse récente (2007) sur le sujet. Elle est hélas en anglais. La bibliographie montre que la décompression des poissons a fait l'objet de nombreuses études. Pour avoir lu plusieurs dizaines de ces travaux, je peux dire que les données chiffrées varient avec les espèces considérées mais que les principes généraux restent tout à fait les mêmes !

http://www.usc.edu/org/seagrant/Publica ... 8MAR07.pdf

Rien ne permet de penser que le bar fasse exception à la règle !

A+
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Messagede nonal » Jeu Avr 17, 2008 1:10 pm

SUPER !

Merci Hippolyte si tu as d'autres ref. sur toutes ces études, ,je les veux bien par MP, STP.

++
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Messagede Hippolyte » Sam Avr 19, 2008 11:00 pm

Je pense qu'il serait déplacé d'inonder un forum comme celui-ci avec des liens qui renvoient vers des documents scientifiques qui sont pour la plupart en anglais. Mais je n'ai rien à cacher. Je vais donc indiquer un ou deux documents qui restent quand même très près de nos préoccupations de pêcheurs.

Tout d'abord, un document qui explique les *équences de la décompression des poissons. Il est en français. C'est une traduction de l'anglais avec quelques petites erreurs de transcription sans grandes *équences.
http://spc.int/coastfish/News/MRC/11/StJohn.pdf

Je donne le document d'origine en anglais.
http://www.spc.int/coastfish/News/LRF/1 ... StJohn.pdf

Ensuite, un document qui propose quelques dispositifs permettant de renvoyer un poisson par le fond (pour assurer sa recompression). Il est en anglais mais les images sont explicites et se suffisent à elles-mêmes. La figure 2 indique un dispositif simple et efficace (à condition de bien supprimer l'ardillon de l'hameçon!) : on tire un coup bref sur la ligne pour libérer le poisson en eau profonde.
http://seagrant.oregonstate.edu/sgpubs/ ... g05001.pdf

Même le premier document que j'indique présente les effets de la décompression de façon extrêmement simplifiée (notamment sur les mécanismes d'apparition des bulles). Il faut dire qu'on manque encore de données expérimentales pour préciser les mécanismes mis en jeu (bien qu'identique sur le principe, dans le détail c'est très différent de ce qui se passe chez l'homme). Beaucoup de points restent obscurs. Mais il est clair qu'on s'éloignerait vraiment du domaine de la pêche si on voulait entrer dans les détails. Dans les explications que je donne ci-dessus, je fais d'ailleurs encore plus simple!

A+

* P.S. Il y en a marre de ce système de censure automatique qui supprime tous les C.O.N.S. Impossible d'écrire c.o.n.s.é.q.u.e.n.c.e !
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