de Fanch 56 » Lun Déc 13, 2004 4:49 pm
Juillet 1954 - 05h00 du matin - Vernon (Eure).
- Hé bonhomme debout !!
- Hein quoi ?
- Allez bonhomme debout, c'est l'heure !
L'heure ? l'heure de quoi d'abord !! Ya pas idée de réveillr un gamin de 5 ans à 5 h du matin! Allez! de nouveau la tête sous l'oreiller, bien calé dans mon lit, avec cet immense édredon en plume, au deuxième étage de la maison de mes grands parents.
- Allez bonhomme ou je pars sans toi ?
Mais c'est papa là qui me parle ! qu'est-ce qui veux ?
Ha oui çà y est, il doit m'emmener pour la première fois à la pêche. Hier encore, il à monté des lignes comme tous les jours de vacances, assis sur un banc, avec une vieille table en bois sortie de la cave de grand-père, installé sous le tilleul centenaire bien à l'ombre. Avec ses gros doigts, il a monté des hameçons, si fin, que je me demande comment les poissons ne les cassent pas.
Je comprends pas, hier soir j'étais tout excité, et ce matin, me voilà avec une apréhension imcompréhensible, moi qui l'embête depuis un certain temps pour l'acccompagner.
- T'es trop petit qu'il me disait depuis le début des vacances.
- Trop petit, trop petit pensais-je, c'est la preuve qu'il ne ma jamais vu grimper au sommet des maronniers, pour aller y dénicher les nids des pigeons sauvages au printemps.
- J'arrive P'a.
Je frissonne, car dans cette vieille maison des années 1900, la fraîcheur du matin est fortement ressentie. La maison est toute silencieuse, j' entends juste ma grand-mère, levée comme tout les matins vers 4 heures, qui prépare notre petit déjeuner, qui se doit d'être copieux, car nous devons partir pour la journée.
Tout le matériel est prêt, posé dans le vestibule. A cette époque pas de voiture, il faut aller a pied jusqu'au café qui loue les barques et les emplacements.
- Tiens avant de partir, j'ai une surprise pour toi, dit mon père.
Et il sort de derrière la porte d'un placard de cuisine, une canne à pêche : "ma canne à pêche" , fine, longue de 2 mètres environ, en bambou, la ligne enroulée autour du scion, prête à pécher. Les viroles brillent , elle sent bon le neuf. Fier comme Artaban, j'embrasse mon père, et je m'empare de cet objet, ne sachant pas si je serais à la hauteur des espérance de mon père durant cette journée.
Nous voilà partis !! L'air est chargé d'humidité, de fines bandes gazeuses de brouillard, trainent et s'accrochent à mi-hauteur.
Pour moi tout est nouveau, pas une voiture dehors, pas un promeneur, et de temps en temps un coq qui salue le soleil qui pointe son nez vers l'est, allumant le ciel d'une lueur de plus en plus forte.
Arrivé au café, mon père se prends un petit remontant (café rhum) et oh! surprise, j'ai droit à une cuillèrée de ce nectar. Puis le patron nous indique le numéro du poste qu'il nous attribue, dans un petit bras de la Seine, bien calme, et pas dérangé par le passage des péniches, qui montent et descendent le fleuve.
Nous embarquons, et pour moi grande découverte, je me trouve sur quelque chose qui remue en permanence, et d'une stabilité inquiètante dans mon esprit d'enfant.
A grands coups d'avirons, nous arrivons près des deux perches enfoncées dans le fond , auxquelles nous nous amarrons.
Et là, la leçon de chose à commencé : comment, monter sa ligne, comment prendre le fond, avec un plomb olive à ressort, qui entoure l'hameçon, afin de bien positionner le flotteur. Monter le flotteur, plomber celui-ci en fonction de sa résistance et de sa forme etc...
Les différents appâts, vers de terre, asticots, chenevis, maïs etc...
Mon père met en place sa canne à Carpe, en bambou refendu foncé, avec une petite pomme de terre du jardin. Et nous voilà parti pour une journée inoubliable pour moi, même 50 ans après.
Le premier poisson, c'est moi qui le prends, un petit goujon de rien du tout, mais quel fierté, et quels sensations pour un petit bonhomme de mon âge, de sentir remuer cette prise au bout de ma ligne.
Et toute la journée, les prises vont se succéder, avec des gardons, des brêmes, des perches, des goujons, bref de quoi ramener une bonne friture à la maison.
De ce jour, je n'ai jamais rater une journée de pêche avec mon père pendant ses vacances, puis avec mon grand-père lorsqu'il allait lui aussi dans un petit bras de seine, du côté de Giverny, haut lieu fréquenté par le peintre Monet.
C'est de ce premier jour de pêche avec mon père, que j'ai attrapé le virus, pas seulement pour le poisson, mais aussi, pour tout ce qui précède, l'atmosphère de la maison tôt le matin, les odeurs du bord de l'eau, et la sérénité ressentie, quand plus rien ne compte, que l'instant de la capture.
Dernière édition par Fanch 56 le Lun Déc 13, 2004 11:51 pm, édité 1 fois.